Nous voilà de nouveau en partance pour un nouveau voyage. Il est l'heure de connaissance de la destination et de s'installer confortablement.
Ce voyage nous conduira au centre d'une des missions des neuropsychologues, à savoir : la remédiation cognitive.
Pendant que chaque voyageur s'installe, prenons le temps de se souvenir que le bilan neuropsychologique, le bilan d'efficience intellectuelle sont les étapes qui amèneront souvent vers une prise en charge de type remédiation cognitive.
En effet, lors de l'entretien de restitution, à la fin du bilan, le professionnel va émettre des préconisations. Il va imaginer, avec la personne qui est venue le consulter, quels outils mettre à son service pour lui rendre la vie la plus agréable possible. Et ces outils et bien il les transmettra et les co-construira avec le patient lui-même lors des séances de remédiation cognitives.
En quittant la gare, un voyageur se demande à qui sont destinées ces séances, qui peut bien bénéficier de remédiation cognitive... La réponse se dessine progressivement.
La remediation cognitive s’adresse à un public assez large. Nous nous concentrons pendant ce voyage aux séances proposées à un public adulte. Elles concernent les personnes qui ont subi une lésion ou une perturbation cérébrale dans le cadre :
- D’un traumatisme crânien
- D’un AVC
- D’une intervention chirurgicale cérébrale
- D’une maladie neurologique (maladie du groupe Parkinson, maladie d’Alzheimer ou apparentée, sclérose en plaques…)
- De maladies psychiatriques (dépression, anxiété, trouble bipolaire, schizophrénie…)
Ces lésions et perturbations cérébrales peuvent entrainer des troubles cognitifs, comportementaux, émotionnels, s'exprimant par des handicaps qui entravent certains actes de la vie quotidienne. Les personnes qui en souffrent recherchent de l’aide pour savoir comment faire face au mieux et leur entourage, souvent dépassé, se questionne et cherche à comprendre.
Ces handicaps dûs aux lésions ou perturbations cérébrales sont d’autant plus difficiles à saisir que les causes sont invisibles.
Donc, reprend le voyageur la remédiation s'adresse aux personnes qui ont des difficultés ainsi qu'à leurs proches... c'est bien ça? D'accord... Et maintenant, pourquoi propose-t-on de telles séances?
La remédiation cognitive s’appuie sur la capacité du cerveau à se réorganiser et à s’adapter : il s’agit de la plasticité cérébrale.
Il existe trois types de réorganisations sur lesquelles le neuropsychologue va s'appuyer pour mettre au patient de dépasser ses difficultés.
- Regardons tout d'abord, la réorganisation de certaines structures au sein même de la zone lésée. Par exemple, à la suite d’un traumatisme crânien, nous allons proposer des exercices qui vont faire fonctionner la zone lésée. C’est à dire qu’en grande majorité nous axerons le travail sur la stimulation du lobe frontal (la principale zone lésée en cas traumatisme crânien) en augmentant peu à peu les temps de vigilance de la personne et en renforçant ainsi ses capacités attentionnelles.
- Ensuite, nous pouvons axer l’intervention sur les aires péri-lésionnelles. Dans une maladie neuro-dégénérative par exemple, en cas d’atrophie para-hippocampique (premier signe d’une maladie d’Alzheimer) entrainant les troubles de la mémoire visuelle, l’intervention péri-lésionnelle consistera à renforcer la mémoire épisodique antérograde verbale, c’est à dire à stimuler la zone hippocampique.
- Enfin, nous pouvons orienter les séances sur la prise en charge de la fonction lésée par les aires homologues de l’hémisphère controlatéral (le cerveau est composé de deux hémisphères constitués d'aires similaires. Lorsqu'on parle d'aires homologues nous parlons de l'aire similaire à l'aire lésée mais qui se situe dans l'autre hémisphère. Et qui est donc intacte). Dans le cas d’un AVC, il y a une lésion sylvienne gauche. Les séquelles peuvent être des déficits langagiers sur le versant de la compréhension (aphasie de Wernicke). Il sera intéressant de privilégier la stimulation visuo-spatiale faisant appel à l’hémisphère droit (sous condition de l’absence de troubles visuels).
Dans le cas d’une lésion post lésionnelle et non évolutive (AVC, traumatisme crânien), on sait qu’il existe une récupération spontanée qui évolue dans le temps (importante et rapide au début est ralentirait progressivement par la suite). La remédiation cognitive et la qualité de l’environnement de travail apportent un bénéfice supplémentaire à la récupération spontanée.
Ce voyage est plutôt copieux n'est-ce pas? La remédiation cognitive demande de travailler sur TOUT ce qui entoure le patient : son trouble, son entourage familial, social, ses habitudes de vie... Les séances demandent également une intense collaboration entre les acteurs afin d'élaborer ensemble des "prothèses" (des aides externes) qui aideront le patient et sa famille dans leur quotidien.
Un nouveau voyageur se lève, il s'approche de la fenêtre et cherche du regard les objectifs de ce travail... Il se doute que les objectifs vont varier en fonction d'un nombre incalculable de paramètres... Et il a raison car les objectifs de la remédiation cognitive, varient bien en fonction de chaque personne (selon ses troubles, sa santé, sa situation sociale, familiale etc), des résultats au bilan neuropsychologique , des centres d'intérêt et des motivations :
- Nous pouvons avoir comme objectif la réorganisation de la fonction grâce à l'intervention de composantes différentes de traitement. Cela passe par différentes modalités sensorielles ou bien par l'utilisation de stratégies telles que les associations d’idées, les jeux… C'est à dire l'on utilise la fonction cognitive défaillante en l'utilisant de différentes façons (soit par entrée/sortie auditive ; entrée/sortie visuelle...) ou bien encore en utilisant des jeux de remédiations permettant de solliciter la fonction lésée de manière détournée.
- Il est possible de travailler l'exploitation plus optimale des fonctions demeurées intactes. Cela permet de renforcer ce qui fonctionne bien et a également comme bénéfice de travailler l’estime de soi.
- l'objectif peut aussi enfin être l'aménagement des conditions d'exercice de la fonction. C'est à dire la sollicitation de la fonction de manière "écologique". Par exemple en conduite automobile on sollicite l'attention soutenue, en regardant un film pareil... et du coup on peut varier et aménager les situations (= conditions) où la fonction est sollicitée.
Le travail en remédiation cognitive est principalement dit « papier-crayon » mais pour axer sur une modalité dite plus « écologique », permettant un meilleur transfert des compétences en vie quotidienne, plusieurs autres aides externes peuvent être proposées comme l’utilisation d’un agenda, de pictogrammes….
Nous avons vu : à qui s'adresse la remédiation cognitive, pourquoi elle existe, quelles sont ses objectifs. Notre voyage s'achève sur le comment. C'est à dire comment est-ce que l'on propose ce type d'accompagnement.
Comme nous l'avons vu, la remédiation cognitive est utilisée dans le cadre de troubles de la mémoire, de l’attention, des fonctions exécutives, de la négligence spatiale unilatérale, du langage, des problèmes socio-émotionnels. Souvent, une prise en charge pluridisciplinaire est recommandée (par exemple : l’orthophoniste en cas de trouble du langage, l’ergothérapeute en cas de trouble visuo-spatiaux).
Nous proposons des séances de remédiation cognitive hebdomadaire ou tous les quinze jours et d’une durée de 45 minutes chacune.
Nous portons notre attention non pas sur le déficit cognitif, mais sur le handicap qui en résulte en vie quotidienne.
La personne et la neuropsychologue déterminent ensemble quels vont être les objectifs des séances, en partant de situations problématiques de la vie quotidienne.
Au cours de séances la neuropsychologue propose :
- un travail important, de description et d’explication des difficultés de la personne afin de mieux cerner le travail à réaliser.
- de recréer les situations choisies pour y "entrainer" la personne.
- d’utiliser des stratégies compensatoires ou un réapprentissage des stratégies « perdues ».
- de créer des outils pour faciliter le quotidien.
- en parallèle un accompagnement psychologique (estime de soi, renforcement du sentiment d’efficacité personnelle …).
- un travail en métacognition peut permettre à la personne de prendre conscience et comprendre son propre fonctionnement.
Il arrive parfois que le travail ne soit pas possible avec la personne elle-même, la neuropsychologue pourra travailler avec l’entourage autour de la compréhension des troubles et dans la mise en place de moyens « pour faire face » au quotidien. Cela sera particulièrement pertinent en cas d’absence de conscience des difficultés (en lien parfois avec les lésions cérébrales). Elle pourra aussi accompagner psychologiquement les personnes aidantes (dont on sait qu’elles peuvent manifester des symptômes d’anxiété, de dépression, d’épuisement….). Nous l’avons déjà vu, l’entourage peut être très éprouvé dans l’accompagnement quotidien d’une personne présentant des troubles cognitifs.
Le train ralenti, entre en gare et s'immobilise. Chacun s'étire, regarde autour de lui et s'assure ne n'avoir rien oublié.
Les hauts-parleurs grésillent, le chef de gare nous rappelle que les personnes qui présentent des difficultés cognitives, comportementales et socio-émotionnelles suite à une lésion cérébrale comme l’AVC ou le traumatisme crâniens, ne seront pas accompagnées de la même façon qu’une personne qui présente une maladie neurologique évolutive. De la même façon l’accompagnement diffère en fonction du caractère évolutif ou non de la pathologie (maladie d’Alzheimer ou apparentée, maladie de Parkinson, sclérose en plaques).
Encore une fois, et parce que nous sommes avant tout des êtres grégaires, la présence bienveillante et sécurisante de l’entourage (informé) est un atout de la prise en charge et est régulièrement sollicitée.
Nous vous remercions d'avoir participé à ce nouveau voyage. Si vous souhaitez échanger avec nous sur ce sujet, laissez un témoignage ou rencontrez un professionnel, nous sommes à votre écoute et nous prendrons le temps de vous lire et de vous répondre. A bientôt pour un nouveau départ.
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Christophe Diringer (jeudi, 21 janvier 2021 05:56)
Très bien écrit agréable et clair